MILIEU DE TRAVAIL / Loïc voulait voyager cet été. Ne pas rester cloué devant son ordinateur en télétravail. Il a donc quitté son emploi. «J’en trouverai un autre cet automne!» s’est dit le jeune homme qui a démissionné de son emploi en marketing juste avant de faire sa valise.
Le choix de Loïc n’est pas un cas isolé. Quitter son emploi durant l’été est plus populaire qu’on pourrait le penser. Les vacances estivales sont propices à la réflexion et au changement.
«Mais entre le fait d’y réfléchir et de prendre la décision, c’est complètement différent», prévient Annie Boilard, CRHA et présidente de Réseau Annie RH.
«Réfléchir sur son rôle dans l’organisation et sa place sur le marché du travail, c’est très sain. Mais avant de démissionner, il faut analyser la situation. Ça ne se fait pas sur un coup de tête!»
— Annie Boilard
Mais ils nécessitent une formation préalable et de l’expérience pour avoir accès à des postes intéressants», précise Mme Boilard.
Elle remarque que, depuis la pandémie, les travailleurs se questionnent davantage sur leur développement professionnel, la reconnaissance et la conciliation travail et vie personnelle.
Selon l’experte, entre le moment de réflexion et la prise de décision, il y a plusieurs étapes, dont celle de la discussion. «Si l’horaire ou le climat de travail ne nous convient plus, il vaut mieux en discuter avec son supérieur d’abord plutôt que de claquer la porte.»
La saison du recrutement
À moins, bien sûr, d’avoir déjà une autre offre sur la table.
Si plusieurs tentent leur chance, comme Loïc, c’est que l’automne est considéré comme la saison du recrutement. Dès le retour des vacances, le nombre d’offres d’emploi affichées grimpe à la hausse.
«C’est la période où les entreprises regardent leurs besoins pour la prochaine année et qu’elles affichent des offres intéressantes», explique Mme Boilard.
Mais ce n’est pas partout. Certains métiers et secteurs d’activités sont recherchés, d’autres non.
«Si on est diplômé en enseignement ou en comptabilité, ou si on travaille en construction, alors c’est le bon moment pour regarder les offres et peut-être convoiter un meilleur poste», énumère-t-elle.
C’est que le marché de l’emploi semble être à double vitesse depuis le début de l’année.
Tandis que plusieurs industries tournent encore au ralenti, les secteurs publics et de services, le transport et la construction sont parmi les plus demandés depuis le début de l’année, et affichent un gain de 24 600 emplois, rapporte l’Institut de la statistique du Québec.
Dans la région de Québec, le marché de l’emploi est légèrement différent, nuance Émile Émond, économiste principal pour Québec International.
Environ la moitié des postes affichés demandent des qualifications, l’autre non.
«Oui, il y a une légère baisse du nombre de postes vacants, mais ça tourne encore autour des 20 000. On est toujours dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre», rappelle-t-il.
N’empêche, le mois de juillet a été marqué par une troisième hausse consécutive du taux de chômage, s’établissant à 3,8 % pour la région de Québec, d’après les derniers chiffres de Statistique Canada.
Un marché en «rééquilibrage»
Un rééquilibrage du marché de l’emploi était «nécessaire», juge l’économiste. «On constate un léger ralentissement du marché du travail à Québec, mais on est encore dans l’âge d’or des travailleurs. Notre région affiche toujours le 5e plus faible taux de chômage au pays», insiste-t-il.
Or, ce sont les plus jeunes et inexpérimentés qui risquent de subir les effets de ce rééquilibrage.
Ce qui ne signifie pas que les portes sont fermées pour eux, renchérit Mme Boilard. «Ils doivent réapprendre à se vendre et à peaufiner leur candidature», conseille-t-elle.
«C’est comme si les jeunes avaient été habitués dans les dernières années de marquer des buts un filet désert. Cette année, le gardien de but est de retour.»
— Annie Boilard
Se lancer à son compte?
Démissionner pour devenir travailleur autonome? Annie Boilard constate que plusieurs salariés sont tentés par cette approche. Mais attention, dit-elle. Le nombre de travailleurs autonomes est en déclin depuis trois ans.
Elle l’explique de deux façons. D’abord, un bon nombre avait fait le saut durant la pandémie. Ils ont tenté l’expérience, mais ont préféré retourner dans une organisation. Certains subissent aussi les effets du ralentissement économique. «De par leur bonne connaissance du marché et du terrain, les travailleurs autonomes sont souvent les premiers à sentir venir les vagues. Je crois que plusieurs préfèrent aujourd’hui la stabilité et la sécurité.»
De son côté, après avoir fait quelques contrats à la pige, Loïc a choisi de retourner dans une agence. Il est actuellement à la recherche d’un emploi dans son domaine et travaille dans un café en attendant.
«Le travail de bureau m’étouffait. Je préfère le contact avec le public et je dois continuer à payer mon loyer et mon auto!» lance le jeune homme dans la vingtaine qui dit ne pas regretter sa décision.
Source: Annie Lafrance, Le Soleil, août 2024