Une nouvelle fournée de données de Statistique Canada fait toujours l’événement. Les chiffres sur le vieillissement de la population dévoilés récemment n’ont toutefois pas surpris les employeurs du Québec qui le subissent au quotidien depuis quelques années : ils s’arrachent les cheveux pour trouver de la main-d’œuvre.
Il n’y a pas une solution miracle, il n’y en a pas dix milles non plus. Quelques-unes ont été identifiées.L’une d’entre elles consiste bien sûr à retenir les plus âgés sur le marché du travail. J’insiste sur ce point, car le maintien au boulot des adultes de 65 ans répond à plusieurs enjeux en même temps, dont la santé financière des gens concernés.Comment peut-on faire ça ? Voici quelques solutions :
1. En garder plus sur sa paie
La question a déjà été abordée ici par fragments. Des lecteurs qui étirent leur carrière au-delà de l’âge « normal » de la retraite se plaignent régulièrement qu’il leur reste trop peu d’argent sur leur paie après l’impôt et les contributions sociales.
Pour inciter les plus âgés à demeurer au travail, ils doivent sentir que ça en vaut la peine.
À 65 ans, un travailleur devrait avoir le choix de poursuivre ou non sa participation au Régime de rentes du Québec (RRQ). Actuellement, il doit payer une cotisation de 6,15 % sur ses revenus compris entre 3500 $ et 64 500 $, et le double s’il est travailleur autonome. Ces contributions lui donnent droit à un « supplément » de rente, mais à mesure qu’il vieillit, le risque de laisser de l’argent sur la table augmente.
Le supplément de rente sera certes avantageux, mais les travailleurs âgés ne voient que la ponction sur leur paie, ce qui a un effet dissuasif.
2. Correctifs au REER/FERR
Actuellement, nous sommes tenus de convertir notre REER en FERR l’année de nos 71 ans. L’ennui, c’est qu’on doit retirer un minimum de son FERR chaque année. Si on gagne toujours un salaire à cet âge, ou si on facture des honoraires, cette règle peut être pénalisante. Il est temps de repousser l’âge limite de conversion du REER en FERR à 75 ans.
Autre irritant au sujet du REER : il est impossible de cotiser à un fonds de travailleurs après 65 ans, donc de profiter d’un crédit d’impôt de 30 % sur ses contributions REER. Pourquoi ne pas porter ce seuil à 70 ans ?
C’est vrai que Fondaction de la CSN et le Fonds de solidarité de la FTQ débordent depuis deux ans au point de limiter les nouvelles contributions. La situation s’explique en bonne partie au surcroît d’épargne généré par la pandémie. L’effet devrait s’estomper avec le temps.
3. Le rôle du crédit d’impôt pour prolongation de carrière
En 2012, Québec a introduit le crédit d’impôt pour travailleur d’expérience, devenu le « crédit pour prolongation de carrière ». Au départ un peu chiche, il a été considérablement bonifié avec le temps. Je ne sais s’il faut lui attribuer tout le mérite, mais le taux d’activité chez les plus de 60 ans s’est amélioré depuis son implantation.
La chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a documenté les effets bénéfiques de cette mesure. Elle a cependant relevé un problème : elle ne profite pas aux travailleurs à faible revenu. Il s’agit d’un crédit « non remboursable », on doit donc payer de l’impôt pour en bénéficier.
Luc Godbout, titulaire de la chaire, croit qu’un crédit d’impôt « remboursable » inciterait plus de personnes âgées à retourner sur le marché du travail, à temps partiel.
Le professeur en fiscalité a réalisé quelques calculs pour Le Journal pour une personne de 66 ans touchant 5000 $ de RRQ, la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV), le Supplément de revenu garanti (SRG) plus un salaire de 5000 $. Pas riche… S’il consacrait deux fois plus d’heures au boulot pour améliorer sa situation, il lui resterait 58,9 % de son revenu d’appoint supplémentaire.
En rendant « remboursable » le crédit d’impôt pour prolongation de carrière et en éliminant les cotisations au RRQ, il en conserverait 75,4 %.
4. Un environnement de travail flexible
C’est bien, la fiscalité, mais un bout important de la solution incombe aux entreprises. Il arrive un âge où on voudrait continuer de travailler, mais pas 40 heures par semaine ni 48 semaines par année. Rappelons que le taux d’activité des adultes québécois fond rapidement à partir de 60 ans. C’est un signe.
Les employeurs doivent se montrer ouverts à des horaires allégés et flexibles pour leurs vétérans. J’entends déjà les objections, semblables à celles selon lesquelles implanter le télétravail à grande échelle était impossible… Jusqu’à ce qu’on soit obligé de le faire pour constater que ça fonctionne pour le bien de tout le monde.
On est sans doute rendus là en ce qui concerne des aménagements particuliers pour nos forces les plus expérimentées.
Source: Daniel Germain, Journal de Montréal, 3 mai 2022