De plus en plus de retraités viennent frapper à la porte d’Univers Emploi à Rivière-du-Loup parce qu’ils désirent retrouver un travail. Dans un contexte de manque de main-d’œuvre, cette disponibilité peut être plus que bienvenue pour les employeurs. Rencontre avec deux retraités, à nouveau salariés.
Thérèse Massé n’est plus enseignante, mais plusieurs fois par semaine, elle vient travailler quelques heures au Collège Notre-Dame de Rivière-du-Loup, en tant que suppléante. Elle remplace les enseignants absents.
Après 34 ans d’enseignement dans diverses disciplines au sein de l’établissement scolaire, elle a pris sa retraite en juin 2022… Pour revenir travailler trois mois plus tard. Je ne suis pas partie parce que je n’avais plus le goût d’enseigner
, affirme l’ancienne professeure. Dès que j’ai su que je quittais, je suis allée donner mon nom pour faire de la suppléance
, ajoute-elle.
Être utile
Thérèse Massé aime être au contact des jeunes. Je reste au goût du jour. Ça me permet de connaître un peu ce qui se passe en 2024. C’est notre relève
, estime l’ancienne professeure. Elle ne voit d’ailleurs que des avantages dans sa situation. Elle va prêter main forte lorsqu’elle est disponible et ne s’empêche pas de faire d’autres activités. Par ailleurs, elle n’a plus de cours à préparer.
» C’est un beau rôle! Je guide, j’aide, j’accompagne, je motive nos jeunes… ». Une citation de Thérèse Massé, suppléante au Collège Notre-Dame de Rivière-du-Loup
Même constat pour Pierre Fillion. L’homme de 79 ans a décidé de reprendre un emploi au mois de mai dernier. Menuisier de formation et serrurier pendant 42 ans, il s’ennuyait, après cinq années à la retraite. Je pensais que j’étais prêt pour la retraite à 100 %, mais non, ce n’était pas ça mon cas!
, raconte le travailleur.
Actuellement, il s’occupe de l’entretien des cimetières de Rivière-du-Loup. Il effectue des réparations, tond la pelouse et reçoit les personnes qui viennent se recueillir sur les pierres tombales.
» Ça nous prouve à nous-mêmes qu’on est encore capable de faire des choses. » Une citation dePierre Fillion, gérant des terrains de cimetières de Rivière-du-Loup
Même à mon âge, je ne pensais pas faire plus que 20 heures par semaine. Je pensais que ce serait le maximum, et heureusement non!
, s’amuse le Louperivois.
Valoriser l’expérience
Pierre Fillion a poussé la porte d’Univers Emploi au printemps dernier parce qu’il voulait reprendre une activité professionnelle et qu’il avait besoin d’être guidé dans cette démarche.
L’organisme constate que les retraités sont de plus en plus nombreux à exprimer un intérêt à revenir sur le marché du travail, que ce soit pour déjouer l’ennui ou pour avoir un revenu supplémentaire.
Univers Emploi a lancé au printemps un projet intitulé Retraité.es comblé.es au travail, qui a permis de mettre en place des ateliers pour accompagner les retraités dans leur retour à l’emploi. Les gens se questionnent toujours sur ce qu’ils peuvent apporter au marché du travail. « Qu’est-ce que le marché du travail va m’apporter? Est-ce que je vais me réaliser pleinement là-dedans? »
, illustre la conseillère sénior en emploi chez Univers Emploi, Mylène Charest.
Les ateliers permettent à certains de mettre à jour un CV qui n’a pas été remanié, parfois, depuis plusieurs dizaines d’années. D’autres viennent se confronter à l’exercice d’une entrevue car ils n’en ont jamais passé durant leur carrière. Les défis peuvent leur paraître immenses et les enjeux aussi.
Les gens se demandent : « si je retourne travailler, est-ce que ça vaut la peine financièrement? » On a un conseiller financier qui va venir expliquer aux gens quels sont les impacts fiscaux d’un retour au travail
, ajoute la conseillère.
Une activité de maillage est également prévue entre les retraités à la recherche d’un travail et les employeurs. Sur les neuf personnes qui ont participé à la première session, cinq sont actuellement en emploi.
Une main-d’œuvre appréciée des employeurs, en contexte de pénurie
Les entreprises accueillent à bras ouverts ces travailleurs plus âgés. Ça peut être des personnes qui seront de bons mentors dans leur entreprise. Ce sont des gens qui sont fiables, qui ont de l’expérience sur le marché du travail. Ce sont de bonnes ressources
, remarque Mylène Charest.
Pierre Fillon n’a pas eu de difficulté à trouver un emploi. L’activité de maillage lui a permis d’être en contact avec la Compagnie des cimetières catholiques de Rivière-du-Loup qui se cherchait un homme à tout faire. On s’est rencontré un matin à 11 h. Ils m’ont demandé quand j’étais libre et j’ai commencé à 13 h la journée même
s’esclaffe l’ancien retraité.
Au Collège Notre-Dame, deux enseignants sont revenus travailler ces dernières années. L’aîné, qui a 82 ans, était jadis professeur de français. Il est retourné dans les classes, après la pandémie, lorsque le gouvernement a appelé les enseignants retraités à venir prêter main-forte au réseau scolaire. On est vraiment content. Ce sont des gens qui connaissent le Collège, notre façon de fonctionner, les autres enseignants… Ils reviennent à la maison, en fait. Pour nous, c’est vraiment très rassurant
, affirme la directrice générale du Collège Notre-Dame de Rivière-du-Loup, Karine Malenfant.
Ni Thérèse Massé, ni Pierre Fillion ne savent combien de temps ils continueront à travailler. Ils sont guidés par le plaisir. Tant que j’aurai cette piqûre-là, je vais continuer! C’est la vie aussi qui nous guide
, reconnaît l’ancienne enseignante. On va prendre ça jour après jour, année après année. Si je peux continuer encore quelques années je serais bien content
, renchérit le travailleur.
Univers emploi propose une seconde édition de son activité Retraité.es comblé.es au travail à compter du 7 octobre. Une dizaine de personnes sont déjà inscrites. Pierre Fillion ira y témoigner de son expérience.
Source : Fabienne Tercaefs, Radio Canada, Octobre 2024.