Au Québec, plus d’une personne sur cinq âgée de 65 à 69 ans travaillait en 2017, soit plus de deux fois plus qu’en 2002, selon Statistique Canada. C’est aussi le cas de 6 % des gens de 70 ans et plus, soit deux fois plus qu’en 2007. Pour certains, cela relève d’une envie de rester actifs, alors que d’autres retournent au charbon en raison de contraintes financières.
L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) s’est intéressé à la question des adultes en difficulté financière. Il ne s’agit pas toujours de gens qui ont eu des revenus médiocres toute leur vie. Un grand nombre d’entre eux ont touché des revenus dans la moyenne, mais n’arrivent pourtant pas à vivre décemment à la retraite. « Le Québec et le Canada n’ont pas un système public de retraite adéquat, déplore Guillaume Hébert, chercheur à l’IRIS. Sans une bonne pension de retraite d’un employeur ou beaucoup d’épargne, les retraités souffrent financièrement. »
L’endettement n’aide pas. Guillaume Hébert rappelle qu’une personne de 65 ans et plus sur cinq rembourse encore une hypothèque. L’endettement moyen des 65 ans et plus a augmenté de 76 % entre 1999 et 2015, alimenté notamment par la stagnation des salaires. En 2017, on retrouvait 12 % des faillites dans ce groupe d’âge, en hausse de 20 % en cinq ans.
Différentes avenues ont été explorées pour augmenter les revenus de retraite. Le gouvernement fédéral hausse régulièrement le plafond de cotisation aux REER, une option qui favorise davantage les travailleurs à revenus élevés. L’introduction du Régime volontaire d’épargne-retraite (RVER) a reçu un accueil mitigé, puisque les contributions de l’employeur sont facultatives. Au 30 juin 2018, seulement 84 368 travailleurs y contribuaient, selon Retraite Québec.
Québec a aussi fait passer de 25 à 33 % le taux de remplacement du revenu du Régime de rentes du Québec (RRQ). Il faudra toutefois attendre 2060 avant que cette modification fasse pleinement effet. Par ailleurs, l’IRIS juge ce taux encore trop faible. « Les prestations du RRQ devraient remplacer 50 % du revenu de travail, pour vraiment contribuer à un revenu viable à la retraite », juge Guillaume Hébert. Le revenu viable, un indicateur de l’IRIS, ajoute aux dépenses de base des dépenses liées au fonds d’urgence, aux sorties culturelles ou aux vacances, par exemple.
L’amour de la vie active
Fort heureusement, le retour des retraités sur le marché du travail ne s’explique pas toujours par les contraintes financières. Certains le font par envie. Julie Dufresne, fondatrice du site
emploiretraite.ca, aide les retraités à se dénicher un emploi. Elle constate que plusieurs souhaitent rester actifs et trouver une occasion de socialiser. « Beaucoup éprouvent aussi un vif désir de partager les connaissances qu’ils ont acquises ou encore d’explorer un domaine différent de celui dans lequel ils ont fait leur carrière », indique-t-elle.
Elle note aussi que plusieurs recherchent des emplois à temps partiel, contractuels, saisonniers ou occasionnels. Il ne s’agit donc pas de reprendre le rythme effréné « métro, boulot, dodo » qui a marqué leur vie active. Ils prêtent une grande valeur à la flexibilité d’horaire. Cela peut exiger quelques adaptations du côté de l’employeur.
Le contexte actuel de rareté de la main-d’oeuvre favorise par ailleurs leur retour au travail. Au quatrième trimestre 2018, le Québec comptait 117 980 postes vacants, soit plus du double par rapport à la même période en 2015 et déjà 25 465 de plus qu’à la fin de 2017, selon Statistique Canada. « En région, les employeurs ne peuvent compter sur l’immigration pour pourvoir à ces emplois, puisqu’elle se concentre dans les grands centres urbains. Certains se tournent donc vers les retraités », explique Julie Dufresne.
D’autres employeurs apprécient cette main-d’oeuvre en raison de son expérience de vie et de travail et saisissent là une occasion de diversifier leur équipe avec des profils différents. D’autant que les retraités n’ont pas nécessairement tous plus de 65 ans. Au Canada, l’âge moyen de la retraite est de 63 ans, selon Statistique Canada. « Sur notre site, la majorité des retraités ont entre 49 et 69 ans », précise Julie Dufresne.
Pour Guillaume Hébert, l’amélioration du système de retraite permettrait aux Québécois qui souhaitent prendre leur retraite de le faire en vivant dignement, sans empêcher pour autant ceux qui le désirent de rester au travail. « La priorité est de s’assurer que ceux qui travaillent à la retraite le font par choix et non par obligation », croit-il.
Crédit : Jean-François Venne – Le Devoir