Efficace, ou pas, le crédit d’impôt pour les travailleurs âgés?

Disant avoir obtenu une partie des résultats recherchés, Québec a resserré les règles de son crédit d’impôt visant à encourager les travailleurs québécois à retarder leur retraite. Et si cette mesure fiscale n’avait rien eu à voir avec ces résultats ?

Constatant notamment un écart défavorable avec l’Ontario, le gouvernement du Québec a mis en place un crédit d’impôt pour prolongation de carrière (CIPC) en 2012. D’abord destiné aux travailleurs de 65 ans et plus, il a été progressivement élargi pour inclure les travailleurs de 60 ans et plus et a été rendu plus généreux au fil du temps, passant d’une valeur de 451 $, au début, pour s’établir, cette année, à 1400 $ pour les travailleurs de 60 à 64 ans et à 1540 $ pour les 65 ans et plus.

Engagé dans un grand réexamen de la pertinence et de l’efficacité de ses quelque 277 dépenses fiscales dont le coût total s’est élevé à 49 milliards l’an dernier, le ministre des Finances, Eric Girard, a observé jeudi, lors de sa mise à jour économique, que le Québec avait presque totalement rattrapé son retard sur l’Ontario en matière de taux d’emploi et d’âge de départ à la retraite chez les 60 à 64 ans et que, par conséquent, le temps était venu de réserver le CIPC aux travailleurs plus âgés. Afin de rendre la mesure plus juste et plus efficace, il a également légèrement haussé l’aide maximale offerte à 1750 $, et accéléré sa diminution une fois passé 56 500 $ de revenu annuel net de manière à arriver à zéro à 81 500 $ plutôt qu’à 92 644 $.

Cela répondait, en bonne partie, aux recommandations qu’avait faites récemment la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke dans une analyse de cette politique. On y constatait notamment qu’à 64,7 ans l’an dernier, l’âge moyen de la retraite au Québec était presque le même qu’en Ontario (65,1 ans). Comme il reste au Québec un écart entre la moyenne des hommes (65,5 ans) et des femmes (64 ans), on ajoutait qu’une option pourrait être d’augmenter l’âge minimal requis à 66 ans pour les premiers, mais à 64 ans pour les secondes.

Dans son analyse, la Chaire avait cependant aussi noté que, au-delà de leurs objectifs premiers, les mesures fiscales visant à encourager les Québécois à intégrer le marché de l’emploi, à y rester plus longtemps ou à y faire plus d’heures de travail représentaient également, pour plusieurs ménages, une forme importante de soutien au revenu.

Un crédit inefficace

La Chaire rapportait aussi que, quoi qu’en dise le ministre Girard, les études qui ont été faites sur l’efficacité du CIPC sont, pour le moins, loin d’être concluantes. La dernière en date, réalisée pour le compte de la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques de HEC Montréal, disait, au mois de septembre, qu’en dépit des apparences, la mesure « n’a pas atteint son objectif de prolonger la carrière des travailleurs âgés de manière significative ».

On y constatait notamment qu’une « grande partie des dépenses fiscales [liées au crédit d’impôt] est dirigée vers des individus qui resteraient de toute façon actifs dans le marché du travail ». Ironiquement, cet échec serait particulièrement net auprès des travailleurs de 65 ans et plus à qui Québec entend pourtant continuer d’offrir des incitatifs fiscaux.

Ce manque d’efficacité pourrait être attribuable à plusieurs facteurs, disaient les chercheurs, à commencer par le fait que la mesure n’est pas assez connue. Une autre explication pourrait être qu’elle n’est pas assez généreuse pour inciter les travailleurs expérimentés à retarder leur retraite. Il est également possible que des travailleurs ne demanderaient pas mieux que de continuer un peu plus longtemps, mais à temps partiel, et que le fonctionnement des entreprises qui les emploient soit trop rigide pour le permettre.

Source : Eric Desrosiers, LeDevoir, Novembre 2024

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