Faire le choix de travailler moins

Face au manque de main-d’œuvre généralisé, la question à un million est : où sont-ils passés ? Comment nous sommes-nous retrouvés soudainement dans un monde où il manque de personnel partout ?

On connaît une partie de l’explication : les baby-boomers prennent leur retraite. Ce phénomène était connu et attendu. Une génération nombreuse arrive dans les 60 ans et quitte le marché du travail. Des efforts sont faits pour les convaincre de rester, quitte à réduire la cadence.

Mais les retraites n’expliquent pas l’ampleur des pénuries. Au cours des dernières semaines, j’ai été frappé par le nombre de cas où l’on nous parle de personnes qui font le choix de ne plus travailler à temps plein. Serait-ce une autre cause des pénuries ?

À temps partiel

En offrant ses primes aux infirmières, le gouvernement nous a rappelé que 40 % d’entre elles travaillent à temps partiel. Nul doute que certaines font aussi des heures de temps supplémentaire. Néanmoins, elles s’inscrivent au départ dans un horaire à temps partiel.

Un phénomène semblable semble exister parmi les médecins de famille qui sont accusés par le premier ministre de prendre en charge trop peu de patients. La moitié d’entre eux travaillent moins de 200 jours par année. Autrement dit, ils sont nombreux à travailler plus ou moins à temps partiel.

Le cas des éducatrices en services de garde est intéressant. Durant leurs négociations, elles ont formalisé leur volonté de travailler quatre jours. Plusieurs sont vexées de la pression exercée par le gouvernement pour les pousser vers une semaine de cinq jours.

Elles font valoir que leur travail est exigeant, épuisant et qu’après quatre journées passées avec des enfants qui demandent beaucoup, elles sont au bout du rouleau. Sûrement.

Paradoxalement, leur représentante syndicale m’avouait candidement cette semaine que plusieurs éducatrices, qui ont elles-mêmes des enfants, les envoient au service de garde cinq jours par semaine. Je les comprends aussi. C’est pratique une journée pour faire les emplettes et aller à ses rendez‐vous—.

Choix personnels, conséquences collectives

Mais regardons le problème du point de vue du gouvernement, de la société. Celles dont le métier est de s’occuper des enfants utilisent cinq jours de services, mais n’en travaillent que quatre. Étendez cet exemple à tous les secteurs. À un point, ça ne balance plus.  

Je ne juge pas la volonté de travailler moins. Les jeunes se soucient de leur vie de famille, veulent mieux gérer leur temps. C’est un choix personnel très louable. Nombre de ceux qui veulent réduire leur semaine de travail parleront des excès inverses de leurs parents, qui n’ont pas vu leurs enfants ou y ont laissé leur santé. Ils ne veulent pas reproduire ce modèle.

Je ne juge pas, je constate. Il faudra accepter comme société que si tout le monde travaille un peu moins, il y aura moins de services publics, moins d’heures d’ouverture des commerces, etc. C’est exactement ce qu’on nous annonce en santé : moins de services.  

Assumons-nous collectivement la conséquence de nos choix ? Pas sûr.

Source: Le Journal de Montréal, par Mario Dumont, le 22 octobre 2021

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