Le temps partiel, un accommodement souhaitable

Afin d’atténuer les effets du vieillissement de la population et pour mieux faire face au problème de la pénurie de main-d’œuvre, les gouvernements souhaitent que les gens en âge de prendre leur retraite retardent leur décision de laisser leur emploi et que ceux qui ont déjà quitté le marché du travail y retournent. Soit, mais il faudrait aussi leur donner des conditions favorables pour les y inciter.

Cela fait des années qu’on voit le phénomène prendre de l’ampleur. La courbe démographique de la population québécoise est sans appel. En raison du vieillissement de la population, il y a plus de gens qui partent à la retraite et quittent le marché du travail qu’il y en a qui l’intègrent, ce qui entraîne un déséquilibre qui n’ira qu’en grandissant.

Un rapport du ministère du Travail que l’on cite abondamment lorsqu’il est question de pénurie de main-d’œuvre nous rappelle qu’on estimait à 1,4 million le nombre de travailleurs qui partiraient à la retraite au cours de la décennie 2017-2026.

Pour remplacer ce flot continu de travailleurs retraités, le gouvernement estimait pouvoir compter à 50 % seulement sur l’arrivée sur le marché du travail de jeunes étudiants diplômés ou non.

Les 50 % restants des 1,4 million de postes à pourvoir devaient l’être, selon le ministère du Travail, pour la moitié par l’immigration et pour l’autre par une meilleure inclusion de différentes catégories de citoyens : les Autochtones, les personnes d’âge mûr ou les femmes qui réintègrent le marché du travail…

On se rend toutefois compte à l’usage que ce scénario ne se déroule pas comme prévu, comme en témoignent les plus de 200 000 postes toujours vacants que l’on recense au Québec, et ce, malgré l’embauche massive de travailleurs étrangers temporaires que l’on voit partout durant l’été.

Pour que les gens à la retraite ou en voie de le devenir retournent ou restent sur le marché du travail, il faut qu’ils y trouvent leur compte, nous démontrent des données colligées dans la plus récente Enquête sur la population active de Statistique Canada.

En juin dernier, plus du cinquième (21,8 %) des Canadiens âgés de 55 à 59 ans ont déclaré avoir complètement ou partiellement pris leur retraite, une proportion qui double à 44,9 % chez les 60 à 64 ans et qui double pratiquement encore à 80,5 % chez les 65 à 69 ans.

Prêts à continuer

Selon Statistique Canada, plus de la moitié des personnes (55 %) qui planifient de prendre leur retraite dans les tranches d’âge de 55 à 69 ans continueraient de travailler si elles pouvaient le faire à temps partiel.

Une autre proportion importante des nouveaux retraités, près de la moitié (48,9 %), continuerait à travailler si elle pouvait réduire ses heures de travail sans que cela affecte le calcul de sa pension, une éventualité qui a été corrigée dans le dernier budget québécois, faut-il préciser.

Enfin, 43 % des candidats à la retraite continueraient de travailler si le stress était moins élevé ou si leur travail était moins physiquement exigeant, ce qui laisse un bassin de travailleurs potentiels qui n’est pas négligeable.

Selon Statistique Canada, ces données devraient inciter les employeurs à concevoir des politiques pour améliorer la rétention des travailleurs plus expérimentés.

Du côté des gouvernements, on fait quelques efforts pour simplifier la vie des retraités potentiels qui voudraient rester au travail.

Dans le dernier budget d’Eric Girard, les travailleurs à temps partiel de 65 ans et plus qui touchent déjà un revenu de retraite auront la possibilité de cotiser ou non au Régime des rentes du Québec à partir du 1er janvier 2024.

Québec a aussi instauré un crédit d’impôt non remboursable pour prolongation de carrière qui permet une somme maximale de 1500 $ pour les travailleurs de 60 à 64 ans et de 1650 $ à partir de 65 ans.

On en convient, ce n’est pas le pactole, mais cela peut contribuer à convaincre un futur retraité qu’il peut être encore utile à son entreprise sans pour autant qu’il soit perdant financièrement en poursuivant sa vie active et en sachant qu’il pourra réduire la fréquence de ses journées de travail.

Dans le contexte extrêmement tendu de l’emploi que l’on vit présentement, toutes les initiatives pouvant permettre de maintenir un lien avec l’entreprise au-delà de la date de péremption proposée par l’admissibilité à un régime de pension méritent d’être mises de l’avant.

Surtout quand on sait qu’une majorité des travailleurs bientôt admissibles à la retraite souhaitent continuer d’être actifs, mais à un rythme moins contraignant que celui qu’on leur a toujours imposé. Le travail à temps partiel n’est pas seulement un accommodement raisonnable, il est aussi souhaitable pour le plus grand nombre.

Source: Jean-Phillipe DECARIE,  LA PRESSE, 3 août 2023

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