Marché de l’emploi : à quoi s’attendre pour 2025 ?

Selon l’OSBL de recherche et analyse en politiques publiques dont vous êtes la PDG, le nombre de postes à pourvoir dans la province est passé de 188 245 à 126 050 en un an. Cette chute va-t-elle se poursuivre ?

Les besoins colossaux en main-d’œuvre observés avant et pendant la pandémie ont été en bonne partie comblés par les immigrants temporaires, dont la population a beaucoup augmenté [NDLR : ils sont passés de 300 000 à 600 000 de 2021 à 2024, en comptant les étudiants et les demandeurs d’asile — un record depuis 1972, moment où commencent les données comparables dont on dispose]. Sauf que Québec et Ottawa ont d’ambitieux objectifs de réduction des résidents temporaires d’ici 2027 [NDLR : le fédéral baissera aussi d’environ 20 % le nombre d’immigrants permanents en 2025]. S’ils atteignaient leurs cibles, ça pourrait créer à nouveau des pénuries au sein des industries qui dépendent des travailleurs étrangers, notamment le secteur manufacturier et la restauration. Par contre, ça pourrait faire chuter le taux de chômage, particulièrement élevé chez les immigrants québécois au pays depuis moins de cinq ans (11 % en septembre, alors qu’il s’établissait à 5,5 % dans la population en général).

La Banque du Canada baisse progressivement le taux directeur depuis juin 2024. Le marché de l’emploi pourrait-il en bénéficier ?

Les taux d’intérêt diminuent, l’économie reprend, mais elle est toujours chancelante. Les loyers sont chers, les ménages sont moins portés à consommer et les entreprises du secteur privé hésitent encore à recruter des employés. Cette réticence touche surtout les postes d’entrée — ce qui explique en partie le taux de chômage élevé chez les 15 à 24 ans (10 % en septembre 2024). On voit aussi l’effet de ce ralentissement sur les salaires, dont la hausse devrait se situer autour de 3,3 % en 2025, après avoir atteint un sommet de 5,9 % en 2024.

Le gouvernement du Québec a sorti ses gros canons depuis la pandémie pour augmenter le recrutement dans le secteur de la santé, qui représente le tiers des postes à pourvoir. Ça donne des résultats ?

Pendant longtemps, l’embauche ne décollait pas, malgré les efforts investis. Mais depuis la fin de l’été, certaines données nous permettent d’espérer. Ainsi, d’août 2023 à août 2024, on a recensé 45 600 employés de plus [NDLR : le réseau québécois en compte actuellement au-delà de 600 000]. Par contre, le tiers de ces recrues travaillent du côté de l’administration, et non comme infirmières ou aides-infirmières, par exemple, qui font partie des postes les plus urgents à pourvoir. Reste à voir aussi l’effet qu’auront les restrictions budgétaires annoncées par Québec, qui déposera en mars 2025 son plan pour tenter d’effacer un déficit de 11 milliards de dollars.

L’intelligence artificielle (IA) soulève des inquiétudes, dont celle de rendre certains types d’emplois obsolètes. Avec raison ?

L’Institut du Québec va publier un rapport sur la question à la mi-janvier. À ce jour, la littérature scientifique indique que l’IA ne remplacera probablement pas nos jobs. Par contre, elle va les transformer. Et contrairement à ce qu’on avait observé dans le passé, le choc technologique bouleversera aussi les services professionnels ― pas seulement les emplois du secteur manufacturier. Les comptables et les actuaires pourraient être touchés, entre autres. Mais l’ampleur de ces changements dépendra de la législation dont fera l’objet l’IA, par exemple pour protéger les droits d’auteur et la vie privée.

Source : Marie-Hélène Proulx, L’actualité, 27 novembre 2024.

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