Il faut dire que la réalité des retraités a considérablement changé. Selon l’Institut canadien des actuaires, qui propose une réévaluation des programmes de retraite du Canada, l’espérance de vie des Canadiens s’est notamment allongée passant de 78,6 ans à 84,9 ans pour les hommes et de 81,9 ans à 87,5 ans pour les femmes. À cela, il faut aussi ajouter une hausse des coûts liés à la retraite et l’érosion des régimes de retraite privés qui peuvent expliquer en partie la nécessité pour certains de trouver un nouvel emploi.
Pour sa part, Julie Dufresne, fondatrice et directrice de la plateforme Web emploiretraite.ca, croit qu’il existe de nombreux autres facteurs expliquant ce désir qu’ont les retraités de regagner le marché du travail.
«Je dirais qu’on observe deux groupes de personnes. Il y a environ 50 % de nos abonnées qui cherchent un emploi temps plein. Ce sont souvent des travailleurs en fin de carrière, début cinquantaine, qui se rendent comptent qu’ils ont en quelque sorte sous-estimé les coûts de la retraite. Il leur reste peut-être encore dix ou quinze ans sur le marché du travail et ils ont envie de changement. Ils veulent d’essayer quelque chose de nouveau», exprime Mme Dufresne.
«Puis il y a l’autre 50 % qui recherche des postes temporaires. Ce sont des personnes qui veulent soit poursuivre dans leur domaine ou explorer complètement autre chose, mais qui désirent surtout demeurer actif tout en ayant moins de pression et de stress. Ils veulent être en symbiose avec leurs valeurs et avoir l’opportunité de transférer leurs connaissances», mentionne-t-elle.
Une main-d’œuvre disponible et motivée
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, l’embauche de travailleurs d’expérience peut s’avérer une solution gagnante à tout point de vue. D’une part, les retraités sont souvent plus enclins à accepter des postes de courte durée, voire des emplois saisonniers. Selon leur bagage de connaissances, ils peuvent aussi occuper des postes clé au sein d’organisation pour des remplacements de congés de maladie ou de congé de maternité.
D’autre part, les retraités qui désirent retourner sur le marché du travail sont motivés, ont souvent un horaire plus flexible et ont de moins grands besoins de formation.
«Sur certains postes, on conseille parfois aux employeurs d’offrir deux postes à temps partiel plutôt qu’un poste à temps plein. Dans certains cas, ça peut être très surprenant. On voit des travailleurs qui s’arrangent entre eux pour se remplacer lorsqu’ils sont malades ou s’ils ont des rendez-vous. C’est une dynamique qui peut très bien fonctionner», soutient Julie Dufresne.
Quant à savoir si les entreprises sont ouvertes à embaucher les travailleurs de cette tranche d’âge, la fondatrice d’emploiretraite.ca est catégorique, elles le sont de plus en plus. Les employeurs reconnaissent que si les personnes de 50 ans et plus sont généralement moins habiles avec les nouvelles technologies, elles le sont davantage avec les humains, un précieux atout pour les organisations auxquelles elles se joignent. On peut penser notamment aux emplois dans le service à la clientèle ou en relation d’aide, mais aussi à ceux en gestion des ressources humaines.
De retraités à livreurs
Chez Jean Coutu Jonquière, pas moins de quatre retraités travaillent à temps partiel comme livreurs. Après avoir passé quelques années chez eux, à profiter de leur retraite, ils ont choisi de retourner sur le marché du travail, dans un secteur complètement différent de celui où ils oeuvraient auparavant. C’est par plaisir, pour se payer du luxe ou encore pour socialiser qu’ils se rendent disponibles quelques heures par semaine pour la livraison de médicaments à une clientèle majoritairement âgée.
Pour Dominick Béland, administrateur des Jean Coutu Jonquière, il fait nul doute que ces travailleurs sont d’une précieuse aide, particulièrement dans un contexte où il est de plus en plus difficile de recruter de nouveaux employés.
«Pour eux, c’est en quelque sorte un loisir, souligne Dominick Béland. Ils le font bien souvent pour se «dégasser», sortir de chez eux et voir du monde, mais pour nous, ce sont des employés d’exception. Ils sont hyper conciliants et très accommodants. Leur seule exigence, c’est le respect. Le respect de leurs conditions de travail et le respect du maximum d’heures qu’ils sont intéressés à faire qui oscille entre 15 et 20 heures semaine», souligne-t-il.
Toujours selon ce dernier, de plus en plus de retraités et de travailleurs âgés se montrent intéressés par les postes disponibles en pharmacies tels que ceux de livreur, de caissier ou de commis de plancher, une situation qu’il observe depuis trois ou quatre ans.
«Nous en tenons de plus en plus compte en période d’embauche. C’est en quelque sorte une tendance qui se dessine. Avant, c’étaient des postes occupés majoritairement par des étudiants, maintenant ce sont des retraités qui s’y intéressent», mentionne Dominick Béland.
Crédit : SOPHIE RICHARD – RÉDACTRICE PUBLICITAIRE – Le Quotidien