Redevenir PDG une fois à la retraite

En cette ère de pénurie d’effectifs généralisée où il est beaucoup question de rétention de la main-d’œuvre expérimentée, de retour à la vie active de travailleurs retraités ou de repousser le plus possible le départ à la retraite, il y a des exemples de gens qui décident de reprendre le collier parce qu’ils ont le sentiment que leur présence est utile et nécessaire à l’entreprise.

C’est exactement pour ces raisons que Raymond Leduc a décidé, il y a quatre ans, de renoncer à sa toute nouvelle vie de retraité, qu’il venait pourtant tout juste d’entamer à l’âge de 60 ans.

Raymond Leduc a vécu toute sa vie professionnelle dans le monde de la grande entreprise, où il a occupé les plus hautes fonctions au sein de grandes organisations multinationales.

Il a notamment été, de 2003 à 2012, directeur en chef de l’usine IBM de Bromont qui fabriquait tous les semi-conducteurs utilisés par la multinationale à travers le monde et où il a implanté une solide chaîne d’innovation durant son passage, ce que j’ai pu constater de visu en 2011.

Raymond Leduc a été par la suite président du constructeur d’hélicoptères Bell Textron Canada à Mirabel, puis président des divisions Nova Bus et Prévost à Saint-Eustache avant de terminer sa carrière comme vice-président du développement des affaires chez Volvo.

«J’ai pris ma retraite en 2018, en ne gardant que mes fonctions de président du conseil d’administration de Jalon, un OBNL actif dans la mobilité, et celle de membre du comité ministériel du Conseil national de recherches du Canada. Jusqu’à ce qu’un collègue me propose d’aller rencontrer les fondateurs de Numetrix Technologies, une start-up de Sherbrooke.» Raymond Leduc

« Les deux fondateurs, Simon Rodrigue, ingénieur logiciel, et François Busque, ingénieur physique, cherchaient un PDG, ils avaient besoin d’aide pour commercialiser le système de vision 3D pour inspecter et réaliser la traçabilité de produits en usine qu’ils avaient mis au point. Ils cherchaient une expertise dans le développement de produits et la croissance, m’explique Raymond Leduc.

« Je leur ai dit merci, mais que je ne pouvais pas les aider. Simon Rodrigue m’a alors écrit une lettre où il me disait simplement qu’ils avaient besoin de moi et où il me proposait de me joindre à eux, de venir jouer avec eux », relate Raymond Leduc.

L’ex-président de grande organisation manufacturière a alors décidé de leur donner bénévolement deux jours par semaine pour les épauler dans le développement de leur système de vision.

Un nouveau monde, un nouveau défi

Rapidement, en 2019, Raymond Leduc a accepté de faire le pas de plus et de devenir PDG de Numetrix en participant personnellement à une nouvelle ronde de financement au côté de la Banque Nationale, de Sherbrooke Innopole et d’Investissement Québec.

« J’ai fait un investissement modeste qui était conditionnel au fait que j’accepte le poste, mais j’ai eu la piqûre. J’ai passé ma vie dans les grandes organisations et là, on construit une nouvelle entreprise innovante dont les produits vont faire une différence dans les grandes entreprises », souligne Raymond Leduc.

« Numetrix avait besoin de pouvoir échanger avec les hauts dirigeants d’entreprises dans le secteur du pneu, de parler aux exécutifs. On propose nos systèmes aux grands manufacturiers et on a réussi, à date, à placer nos systèmes dans 5 du top 10 des pneus », ajoute le PDG de Numetrix Technologies.

À 64 ans, Raymond Leduc travaille 40 heures par semaine, contre 60 heures avant de prendre sa « retraite ». Il ne se voit pas arrêter avant que Numetrix atteigne le statut de grande PME de l’innovation.

« Il y a quatre ans, on vendait un système par année – qui se détaille 390 000 $ pièce – alors qu’on en vend une dizaine aujourd’hui. On prévoit en vendre 15 l’an prochain », précise Raymond Leduc.

Le système de vision 3D de Numetrix, qui est lié à un logiciel de traçabilité et utilise l’intelligence artificielle, va pouvoir servir à d’autres fins que l’inspection des pneus, mais déjà, cette innovation prouve son utilité.

« Lorsqu’un manufacturier usine un pneu, il doit être vérifié manuellement. Notre système permet de le faire de façon automatique tout en assurant de façon numérique sa traçabilité. C’est le travail de huit hommes, douze heures par jour, que l’on remplace », expose le PDG.

Pour Raymond Leduc, le retour à la vie très active n’est pas une punition. « Quand tu sens qu’on a besoin de toi, que l’on souhaite utiliser ton expertise », c’est valorisant, dit-il. De plus, il découvre un univers qui lui avait été totalement étranger jusque-là, celui de la petite et moyenne entreprise.

« Ç’a été difficile durant la COVID, mais on en a profité pour développer une nouvelle version de notre système. Là, la vie a repris. Je suis allé deux fois en Europe cette année, trois fois aux États-Unis, et là, je pars pour le Mexique. On vient de soumissionner pour un gros fabricant japonais. On veut faire de Numetrix un succès mondial et on va y arriver », promet le PDG-mentor.

 

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