Retraite : ai-je pris trop de REER ?

Croyant qu’il allait avoir des revenus moins élevés à la retraite, un lecteur a mis ses économies dans des REER. Aujourd’hui âgé de 71 ans, il croit qu’il en a trop pris.

 

La situation

Arthur*, 71 ans, a suivi les recommandations sur les finances personnelles qu’on lui a faites à son entrée sur le marché du travail.

« On conseille souvent aux personnes qui ont un régime de pension à prestations déterminées de souscrire à un REER, écrit-il à La Presse. J’ai un tel régime de pension et je dispose aussi d’un REER. »

« Je me demande si cela a valu la peine d’investir dans un REER », poursuit-il.

 

Arthur a mis de l’argent dans son REER alors qu’il avait un revenu beaucoup moins important qu’aujourd’hui, explique-t-il. Le septuagénaire ne gagnait que 11 000 $ par année. Il a poursuivi les dépôts dans le régime enregistré jusqu’à ce qu’il atteigne un salaire annuel de 60 000 $, puis il a cessé de cotiser.

« À ces niveaux de revenu, j’avais un taux d’imposition beaucoup plus bas qu’aujourd’hui. Je suis maintenant retraité et mon revenu est d’environ 100 000 $ par année. En plus de ma pension annuelle de 84 000 $ presque entièrement indexée au coût de la vie, j’ai 300 000 $ dans deux comptes de courtage qui me rapportent environ 7 à 8 % annuellement. »

Arthur précise que c’est la conjointe qu’il avait au moment de prendre sa retraite qui recevra 40 % de sa rente au moment de sa mort, et non sa conjointe actuelle, âgée de 58 ans.

« Aujourd’hui, lorsque je retire mon REER, je suis imposé au maximum. Par conséquent, je paie plus d’impôt que si je l’avais initialement payé. »

« Tout ce que le REER m’a donné, c’est un report d’impôt, mais qui me coûte plus cher. À moins que je sois dans l’erreur », se demande-t-il.

Cette possibilité de s’être trompé en planifiant sa retraite ou d’avoir été mal conseillé le ronge. Arthur veut en avoir le cœur net.

A-t-il bien fait ou non de prendre des REER ? Si la réponse est négative, comment peut-il corriger le tir ? Existe-t-il des solutions ?

Arthur a deux enfants, âgés de 43 et 26 ans, ainsi que trois petits-enfants.

L’analyse

Jacinthe Faucher, planificatrice financière, notaire et fiscaliste à la Société de gestion privée des Fonds FMOQ inc., a fait des recherches pour retrouver les taux d’imposition des années 1970.

C’est à cette époque qu’Arthur est entré sur le marché du travail.

« En 1973, le taux d’imposition pour un revenu de 10 000 $ à 20 000 $ était d’environ 21 %, 30 % pour un revenu de plus de 20 000 $ et 43 % pour un revenu de 50 000 $ », relate la fiscaliste.

« Toujours en 1973, on calculait le taux de cotisation à un REER selon le montant le moins élevé entre 20 % du revenu ou 4000 $, poursuit-elle. En 1976 jusqu’en 1986, c’était encore le moindre entre 20 % du revenu et un montant qui est passé de 4000 $ à 5500 $. »

À l’époque, il n’était pas possible de cotiser au CELI, puisque ce programme est apparu en 2009.

Pour déterminer si Arthur a bien fait ou non de cotiser au REER, la planificatrice a fait des calculs en fonction de deux situations.

La première, soit celle qu’Arthur a choisie à l’époque : mettre ses économies pendant 10 ans dans un REER.

La deuxième : ce qui aurait pu se produire si Arthur avait investi les sommes hors REER pendant 10 ans avec les rendements des placements imposés.

« Ce lecteur ne savait pas au début de sa carrière qu’il allait un jour avoir un régime complémentaire de retraite à prestations déterminées aussi généreux », précise la spécialiste.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser avant de procéder aux calculs, les résultats sont étonnants.

« Si l’on tient compte uniquement de l’accumulation de l’épargne, il est clair que le REER est plus avantageux. Après 50 ans, le montant dans le REER s’élève à 54 600 $ et celui hors REER, à 37 662 $.

« Mais c’est l’effet de l’impôt qu’il faut analyser », précise Jacinthe Faucher.

En tenant compte de tous les revenus et des impacts fiscaux, notamment le remboursement de la pension de la Sécurité de la vieillesse lorsque le revenu est supérieur à 81 761 $ (en 2022), voici le revenu net procuré dans chacune des hypothèses : avec l’épargne REER, il s’élève à 97 920 $, tandis qu’avec l’épargne hors REER, il atteint 97 836 $.

La différence annuelle est de 84 $. Oui, seulement 84 $.

La seule façon de modifier ces résultats serait le fractionnement de revenus entre conjoints. Or, encore faut-il avoir un conjoint et que ce conjoint ait des revenus moins élevés.

Selon Jacinthe Faucher, lorsqu’on prend la décision de cotiser ou non à un REER, il faut prendre en considération plusieurs éléments.

Outre d’économiser de l’impôt et de le reporter à la retraite en espérant avoir un taux d’imposition plus faible, il y a les avantages fiscaux des REER des fonds de travailleurs (CSN et FTQ) et la diminution du revenu imposable qui crée un impact positif sur les allocations canadiennes pour enfants et qui augmente le crédit d’impôt pour frais de garde.

C’est sûr qu’on peut être chanceux et réussir à obtenir un régime complémentaire de retraite à prestations déterminées indexées, mais ils sont très rares. Pour les générations à venir, ce le sera encore plus. Ce qu’il faut retenir et ce qui est le plus important, c’est l’habitude de l’épargne qui est créée en cotisant à son REER.

 Jacinthe Faucher, planificatrice financière, notaire et fiscaliste à la Société de gestion privée des Fonds FMOQ inc.

La fiscaliste rappelle qu’il est toujours bon de cotiser à un REER, sauf dans de rares exceptions. « J’ai eu des cas d’agriculteurs qui avaient eu des revenus très modestes dans leur vie active et qui obtenaient peu de réduction d’impôt en cotisant à un REER. Arrivés à la retraite, quand ils ont vendu leur ferme, ils ont obtenu une bonne somme d’argent, et le décaissement du REER leur nuit. »

Le cas des enseignants qui ont un régime complémentaire de retraite à prestations déterminées est un peu différent, soulève la planificatrice. « C’est sûr que le CELI est très intéressant. Je ne dirais pas que le REER ne l’est pas, parce que fiscalement, il va l’être à court terme. Sur le long terme, le CELI va aller chercher d’autres avantages. »

Le REER permet d’avoir accès au Régime d’accession à la propriété (RAP), au Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) et au transfert des REER et FERR au conjoint sans pénalité lors du décès.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Source: Isabelle Dubé, La Presse, janvier 2024

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