Travailler à la retraite en vaut-il la peine?

Alors que le gouvernement du Québec a annoncé le lancement d’un projet pilote visant à encourager le travail des personnes de 60 à 69 ans, plusieurs retraités se demandent si cela en vaut vraiment la peine.

Les retraités craignent de voir leurs rentes diminuer s’ils restent sur le marché du travail. Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et conseiller en sécurité financière, représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK, a fait quelques calculs pour les aider à y voir plus clair.

LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE
Sachez que la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) du gouvernement fédéral est réduite si vos revenus annuels nets dépassent 86 912 $ (2023). Dans ces revenus, on inclut les fonds de retraite (SV, RRQ, fonds de pension d’employeur,
etc.), les retraits du FERR et le salaire. Vos revenus excèdent ce plafond ? « Chaque dollar supplémentaire entraînera un impôt de récupération de 15 cents de la SV, et à partir 141 917 $ de revenu, une personne entre 65 et 74 ans perdra toute sa SV », prévient Hadi Ajab.

LE SRG TOUCHÉ DE PLEIN FOUET
Si vous recevez le Supplément de revenu garanti (SRG) du fédéral, chaque dollar gagné audessus de 5000 $ le réduira de 25 à 75 %. Avec des revenus supérieurs à 21 624 $ pour une personne seule, le SRG est perdu en totalité.
Voici un exemple chif­fré pour un célibataire de 66 ans :
Une personne qui n’a d’autres revenus que sa PSV touchera un SRG mensuel maximum de 1065 $ (mars 2024), montant libre d’impôt.
Avec un revenu d’emploi supplémentaire de 10 000 $ par an, le SRG passe à 951 $ par mois. Si la personne perçoit en plus 10000 $ en RRQ annuellement, le SRG chutera à 383 $. Si elle n’a pas de revenus d’emploi, mais qu’elle perçoit la pleine PSV et 10 000 $ de RRQ, dès lors le SRG mensuel sera de 484 $.
« C’est un pensez-y-bien et cela devrait inciter à réfléchir avant de demander son RRQ pour évaluer si on sera perdant ou pas. Mais ce n’est pas qu’une question d’argent, il faut aussi tenir compte des autres aspects reliés au travail, comme rester actif et avoir des contacts sociaux », mentionne Hadi Ajab.

Bon à savoir : si vous avez entre 60 et 64 ans et que votre conjoint reçoit le SRG maximal, vous pourriez être admissible à l’allocation, un montant versé par le fédéral d’un maximum de 1354 $. Le revenu combiné du couple ne doit pas excéder 39 984 $, et des revenus de travail pourraient donc vous pénaliser.

LE RÉGIME DE RENTES DU QUÉBEC
Du côté du RRQ, les revenus de travail ne réduisent pas la rente. En continuant à travailler et à cotiser, vous devenez également admissible au supplément à la rente de retraite. Nouveauté depuis janvier 2024, les travailleurs de 65 ans ou plus qui reçoivent déjà leur rente de retraite pourront arrêter de cotiser au RRQ, et les cotisations de leur employeur cesseront aussi.
Le jeu en vaut-il la chandelle ? « Pour un revenu de travail de 10 000 $, le salarié devra verser 416 $ annuellement, ce qui générera un supplément de rente par année à vie de 43 $. Cela deviendra rentable à partir de ses 74 ans. C’est pire pour les travailleurs autonomes qui doivent payer leur part de RRQ et celle de l’employeur. Pour eux, il faudra attendre jusqu’à 82 ans pour que cela devienne rentable », prévient Hadi Ajab.

CONSIDÉRER LA FACTURE FISCALE
Considérez aussi les conséquences fiscales, car votre taux marginal d’imposition augmentera si vous passez à une tranche de revenus supérieure. Toutefois, à partir de 60 ans, vous êtes admissible au crédit d’impôt non remboursable pour prolongation de carrière (Québec). « Pour y avoir droit, il faut avoir eu 60 ans avant le 31 décembre 2023 et avoir gagné au minimum 5000 $ pendant l’année », indique Yannick Lemay, fiscaliste et porte-parole H&R Block. Ce crédit vient directement réduire la facture fiscale, ce qui le rend d’autant plus intéressant.
Entre 60 et 64 ans, le montant maximal du crédit est de 1400 $ et il s’élève à 1540 $ pour les 65 ans et plus. Attention, ces montants sont réduits si les revenus de travail sont supérieurs au seuil de 38 945 $ (2023). Les revenus de travail sont ceux gagnés dans le cadre d’un emploi, mais aussi les revenus nets d’entreprise. En restant sur le marché du travail, on a aussi accès aux autres crédits, allocations et déductions auxquels tous les travailleurs sont admissibles.

Source : Emmanuelle Gril, Le Journal de Québec, mars 2024

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