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La grande séduction des 60-69 ans
En général, ce n’est pas toujours facile de trouver de la main d’œuvre pour les entreprises de la région. De la même façon il s’avère souvent difficile également de trouver un emploi après l’âge de 50 ans ou encore de revenir sur le marché du travail après la retraite.
C’est dans l’optique de répondre à ces besoins que l’entreprise Emploiretraite.ca a initié un nouvel outil qui vise à mettre en relation des candidats d’expérience et des employeurs et ce, partout à travers la province.
PÉNURIE DE TALENTS. Afin de combler — en partie — le creux historique d’employés prévu à l’horizon 2030, le recours aux travailleurs âgés pourrait constituer une solution intéressante. Les entreprises du Québec semblent réceptives à cette idée, mettant en avant la grande flexibilité de ce type de profil. Ce constat est également partagé par le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui a multiplié, ces derniers mois, les propositions destinées à favoriser l’embauche et la rétention des 60-69 ans.
« Une excellente option à envisager. » Tel est le principal enseignement d’une enquête réalisée auprès d’un échantillon de 250 entreprises interrogées en marge du plus grand salon de l’emploi et de la formation continue, organisé par L’Événement carrières au Palais des congrès de Montréal en 2022. Au total, 77 % des participants à cette étude ont jugé que les travailleurs seniors — entre 60 et 69 ans en moyenne — constituaient une solution pertinente pour juguler un déficit de main-d’œuvre creusé par la pandémie de coronavirus et ses multiples conséquences.
« En raison de la “grande démission”, les entreprises ont dû s’appuyer sur une main-d’œuvre plus âgée pour combler la fuite de jeunes talents recherchant davantage de flexibilité ou ayant tout simplement décidé de changer de vie pour mener à bien des projets personnels », appuie Trevor Bogan, directeur des Amériques du Top Employers Institute, une autorité internationale indépendante qui audite et certifie les pratiques en matière de ressources humaines des entreprises.
Une flexibilité appréciée
Cependant, toutes les entreprises ne sont pas à loger à la même enseigne et l’ouverture aux « aînés » s’avère variable en fonction des domaines d’activité. Si le secteur bancaire ne voit pas la pertinence de focaliser toute son attention et ses ressources sur les profils « baby-boomers », préférant séduire les jeunes talents, les métiers de services, au premier rang desquels l’hôtellerie et la restauration, « ouvrent grand les bras » aux travailleurs âgés. Ces entreprises mettent notamment l’accent sur leur grande disponibilité et leur capacité d’adaptation à un rythme parfois très exigeant.
« Dans la restauration, nous recevons souvent des candidatures de gens plus jeunes voulant cumuler emploi et études et qui, de fait, doivent jongler avec des contraintes horaires. Ce qui n’est pas le cas des travailleurs âgés qui peuvent se rendre très rapidement disponibles », souligne Geneviève Nadeau, directrice du « management bienveillant » au sein de la chaîne de restauration italienne Pacini. « Ils disposent également d’une forme de sérénité et sont moins sujets au stress devant certaines situations, ce qui est bénéfique pour tout le monde », ajoute-t-elle.
Une volonté de transmission
Cette flexibilité constitue un atout particulièrement recherché par les entreprises dans la mesure où l’employé âgé, en plus de sa capacité d’adaptation, ne va pas forcément chercher à braquer la lumière sur lui puisque l’essentiel de sa carrière est déjà derrière lui. Il va chercher davantage à transmettre son savoir-faire et ses compétences. « Créer des conditions de travail favorables aux travailleurs âgés peut, par ricochet, également bénéficier aux plus jeunes. Les seniors disposent de connaissances et de bonnes pratiques qu’ils peuvent partager avec la nouvelle génération. Et il serait dommage que ces profils s’en aillent sans avoir œuvré à cette transmission », développe Sylvie Saint-Onge, professeure titulaire au sein du Département du management de HEC Montréal et chercheuse au sein du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).
Cet équilibre et cette coexistence entre salariés chevronnés et profils juniors sont encouragés par de nombreuses entreprises au Québec. À l’image de l’enseigne Lowe’s, spécialiste de la rénovation grâce à son réseau de 450 points de vente (RONA, Réno-Dépôt notamment) disséminés sur l’ensemble du territoire. « Ces employés en “seconde carrière” sont extrêmement appréciés de leurs collègues plus jeunes, qui bénéficient d’un transfert de connaissance, d’expérience, de vécu professionnel ou encore de mentorat », affirme Valérie Gonzalo porte-parole de Lowe’s Canada. « Nos clients en sortent aussi gagnants, car ils apprécient le fait de pouvoir échanger avec des employés qui ont de l’expérience et qui peuvent les conseiller de façon concrète et pratique. »
« Briser l’isolement »
Du côté des travailleurs âgés, les motivations sont multiples. Mais le nerf de la guerre reste, en premier lieu, l’argent. « Financièrement, ils n’ont pas tous le loisir de s’arrêter. Ils ne sont pas tous dans le secteur public et ne bénéficient pas, de fait, d’un système de retraite bien “garni”. Certains dépendent simplement des pensions du gouvernement », explique Sylvie Saint-Onge.
Pour d’autres, cependant, exercer une activité est une manière de briser l’isolement. À l’image d’André Nadeau, 76 ans, barbier de métier depuis 1965, à Montréal, et désormais travailleur autonome « à raison de deux jours par semaine, le jeudi et le vendredi », précise-t-il à Les Affaires. « Cela me permet de voir du monde et de ne pas rester enfermé chez moi. Échanger sur divers sujets avec la clientèle permet de garder mon cerveau en éveil. » Et d’ajouter avec un sourire dans la voix : « Mon grand-père a travaillé jusqu’à 81 ans. » Pour lui, la retraite n’est (visiblement) pas encore pour demain.
Source: SAMIR HAMLADJI, les affaires, 15 février 2023